SUR LA PORTÉE DU CIEL
Sur la portée du ciel
La lune éclaire comme en plein jour
Ces sillons de la terre qui ne sont pas d'amour.
Ses pâles rayons flous trahissent l'oeuvre basse
Aux pâturages du ciel devenu morne espace ;
Aux pâturages du ciel devenus lieu propice,
Sous nos regards leurrés, sous nos yeux égarés,
Au déploiement sans borne par des armées secrètes
Qui dansent un ballet, inédit sur la portée du ciel,
Quadrille ou valse-feu entre terre et soleil
Sur l'azur éclatant des journées de printemps ;
Aux pâturages du ciel devenu lieu propice
Au déploiement comme en un jour de fête,
De sillons rectilignes qui sous le vent cheminent,
En traînées duveteuses, panaches qui s'effilochent,
Nuées qui se déposent en voiles aériens entre terre et soleil,
Dentelles vaporeuses qui nous interpellent, nous apostrophent,
Nous ensommeillent à l'heure où celui-ci, voilé de pourpre,
Se tourne, suivant sa course, vers les cieux qui s'éveillent.
La lune éclaire comme en plein jour
Ces sillons de la terre qui ne sont pas d'amour.
Ainsi chaque nuée qui passe,
Déployée sans relâche, déployant incessamment,
Arabesques fugaces, ces voilures légères
Ondoyant lestement sous les effets du vent ;
Ainsi chaque nuée qui passe, outrage sur la terre,
Essaimerait, les déversant impudemment,
Manteau de ouate artificielle aux saturages du ciel,
Sillons de fiel ?
Roselyne MORANDI (poème inédit)