Le voyageur
J'ai parcouru tant de terres
Visité tant de villes
Croisé mille univers
Où les étoiles défilent
J'ai vécu tant de rêves
Connu tant de vies
Où d'ardents soleils se lèvent
Au milieu de mes nuits
J'ai traversé tant de mers
Couru tant de chemins
Mêlés de sang et de fer
Où s'ébattent hommes et requins
J'ai marché sur tant de routes
Voyagé sur nombre de nefs ;
Du cœur de la céleste voûte
Je vois la Terre et ses reliefs
J'ai passé tant de ponts
Côtoyé tant de rivières
De diamants et d'éons
Au rythme de mes prières
J'ai suivi tant de voies
A travers maints paysages
Où je pensais être le roi
D'un monde aux cent visages :
Entre enfer et paradis
Ciel bleu et gris nuages
Pluies d'orage ou éclaircies :
Réalités ou mirages...
J'ai arpenté tant de rues
Dans d'étranges cités
Frôlé des corps inconnus
Et des âmes esseulées
J'ai gravi tant de montagnes
A l'ombre des glaciers
Battu maintes campagnes
Sous d'obscures nuées
J’ai sillonné l’Espace
Et son vaste horizon
Y cherchant une place
Où inscrire mon nom
J’ai foulé des contrées
Aux allures d’Eden
Conquis des trajets
Entre Hélios et Géhenne
J’ai fait du globe le tour
Epique aventure
Pris de nouveaux détours
Jusqu'à ta belle figure
Dès lors, j'ai atteint mon but
J'ai enfin saisi le sens
De toute ma lutte :
Rien d'autre qu'une danse... ;
Je suis le voyageur
Quérant de neufs territoires
Aux insolites couleurs
Auxquelles on ne peut croire
Je suis le visiteur
De vallées inconnues
Où mon esprit rêveur
Se jette à corps perdu
En quête d'éternité
Où résident les vraies valeurs
Dont je serai le messager
Car je suis... le voyageur !
Richard MAGGIORE
MON PLUS BEAU VOYAGE *
Ma jeunesse a dansé tout près de Bahia
Au fond de nulle part, dans cette étrange école
Où l’être insoucieux sans cesse batifole
Envoûté, martelant l’intrépide samba.
Sous le regard d’Éros, dans l’Acropole antique,
Un dieu me prit la main dans un fou sirtaki
Dont l’amoureux tempo, je le sais aujourd’hui
M’entraîna dans l’envol d’un oiseau romantique.
La sagesse est venue en découvrant Bouddha
Dans l’incroyable Eden de cette île céleste.
J’en devins le disciple et, sans que je proteste,
Mon cœur connut un rêve appelé Sri Lanka.
J’ai poursuivis ma route au pays de mon Père,
Scandé la tarentelle, aimé le bel canto.
Du chant des gondoliers, je porte en moi l’écho :
Mon être s’est senti l’enfant de cette terre.
En effeuillant mes jours devant tant d’horizons,
D’exotiques parfums j’ai bu jusqu’à l’ivresse…
Mais il est un pays d’où s’enfuit la détresse,
Qui, seul, peut nous offrir toutes les déraisons.
Quand ma course a pris fin, le firmament rêveur
Vint embraser mon âme en douce apothéose ;
Si je ferme les yeux, tout se métamorphose :
Aujourd’hui je voyage en mon « intérieur. »**
**« en son intérieur » (Montaigne) :
*Le voyage intérieur
Mireille TURELLO-VILBONNET
Au fil de Toulouse
Tuiles et briques à foison,
Quels beaux atours pour la maison,
Ces matériaux d’apothéose,
Vont habiller la ville en rose.
Près du pont neuf au fil de l’eau,
Pas de goujon ni maquereau,
Qui nage alors et qui parade ?
Le doux reflet de la Daurade !
.
Voici venir le vent d’Autan !
Fuyons l'accueil de ce titan,
Certains réclament sa tempête,
Chassant les cornes de leur tête.
Dans le jardin nommé Grand Rond,
Il ne reçut pas un seul rond,
Ce mendiant fut notre idole,
Lorsqu'il chantait au Capitole.
Dégustez donc le cassoulet,
En choisissant le flageolet,
Puis contre les gaz qu'il rejette,
Toulouse offre sa violette.
Georges Lafon
DE PASSAGE
Touriste de passage,
Fûtes-vous enfant sage
À peine remarqué,
Pourtant bien éduqué ?
Sous les cieux diluées
De mépris saluées
Les filles sur les plages
Jamais assez volages ;
Au terme du voyage
L'heure du verbiage :
Leur rappel déplacé
En votre coeur lassé
De folles nuits d'ivresse,
Vos départs sans adresse ;
Vous n'aurez jamais vus
Et pas même entrevus
Les beautés de nature,
Les braves, la culture ;
En hiver blanches neiges :
Vous ne fûtes que pièges...
Le chalet accueillant,
Le regard bienveillant,
La chaleur de la braise
Le mot pour mettre à l'aise
Vous aurez ignorés
Toujours accaparés,
Par votre personnage,
Un jour vaincu par l'âge
Vous n'aurez engrangé ;
Jamais encouragé ;
Votre vie : un passage,
Dégradé par l'usage...
Germaine Cartro le 11/11/14
VOYAGE EN MON MUSÉE
Visitez mon musée - extases poétiques -
Où s'active ma muse, elle agence des mots,
Ici, là, collectés ainsi que des émaux ;
Euterpe approfondissant des arias mystiques...
Solidaires, leurs soeurs, les aident, lunatiques,
Selon leur bon vouloir, mais surtout leur talent :
Eloquente Calliope au geste pétulant,
Polymnie en chansons, mélopées emphatiques.
L'inspirée Erato suit avec un sourire :
La comique Thalie adorant la voir rire ;
Melpomène, tragique, a ce terrible don
De conter des crimes, d'affreuses vilenies ;
Clio l'historienne, incrédule dit :"NON !?";
Terpsichore la nuit danse avec Uranie...
Germaine CARTRO
A F L E U R D’ Î L E
Partir le long des fleuves, s’offrir à la mer
Un soir de brise chaude au parfum de voyage,
Toucher du fond des yeux l’espace doux-amer
Où s’abîment les nuits au sel blanc du mirage.
Glisser à contre-grève à l’ourlet bleu du vent
Pour rêver d’autres ports, pour aimer d’autres terres,
A fleur d’île, là-bas, plus loin vers l’orient,
Se brûler de soleil à d’autres hémisphères.
Migrer vers un ailleurs où le temps n’a plus cours
Quand s’éclaire aux grands ponts des aurores du monde
A la voile éolienne le cœur à demi-jour
Et que se rive au corps l’écume vagabonde.
Partir l’âme nomade et s’enliser au ciel
Nourri du lait marin des jarres océanes,
Bruni de liberté au flux de l’immortel
Et lire au front des jours l’exode en filigrane.
Glisser à contre-grève à l’ourlet bleu du vent,
A fleur d’île, là-bas, plus loin vers l’orient.
Anne-Marie Vergnes
Carnet de voyages
Approcher le silence, la vie, les couleurs,
Au jour le jour,
Feuille après feuille,
Figer l'instant, l'émotion.
Graver sur le papier, les longs chemins de traverse.
Graver l'aventure qui mène vers la crique sauvage
Aux rochers constellés,
D'ocre et de gris de Payne.
Barbouiller la feuille d' images et de mots,
Esquisser l'inattendu d'un chemin de bohème,
Croquer les visages d'enfants
En pleine lumière,
Sur une plage de sable
Et les rencontres éphémères
D'un petit port de pêche.
Raconter ce paysage entre terre et mer,
Terre et ciel,
Au détours d'une venelle,
Crayonner les roses trémières, les maisons blanches,
Les volets bleus... L'île de Ré
Et laver la couleur du ciel,
D'une aquarelle tendre.
Feuille après feuille,
Peindre, écrire Venise, La Sérénissime.
Ébaucher les reflets roses des palais
Dans l'eau du canal,
Les ombres qui s'échappent, fuyantes,
De ses ruelles étroites et sinueuses,
La Piazza San Marco
Et la légende du Pont des soupirs.
Ce soir, invitation au rêve.
Je contemple une esquisse croquée sur le vif
Et les mots tracés à l'encre noire.
Ils murmurent à l'horizon de chaque page
Un souvenir de voyages.
Martine Gava-Massias
Au pays Navajo
Au pays Navajo, quand tu t’endormiras,
Sous les plumes du cercle attrapeur de beaux rêves,
Un géant de grès rouge, aux bras comme des glaives,
Défendra le sommeil où tu te berceras.
Là, je te rejoindrai, moi l’oiseau de passage,
Ivre de plaisirs vains et de vols sans retour.
Mon aile de turquoise aura caché le jour
Dont les esprits mauvais noircissent le message.
Sur les sables brûlants, les dieux ont dessiné
Ton visage sauvé des légendes perdues
Pour dévier mon regard des rives défendues
Et me rendre aussi pur qu’un tendre nouveau-né.
Mes baisers rougiront ton front de blanc satin ;
Reviendra l’harmonie aux voix de sources fraîches,
D’un geste affectueux, baigner tes longues mèches
Que les braises du vent frôlaient chaque matin.
La danse du chamane, au milieu de la nuit,
Pourra voir l’horizon s’allonger sur ta couche
Puis tremper ses couleurs au souffle de ta bouche :
L’infini ravivé nous unira, sans bruit.
Marilène Meckler
Extrait du recueil « Derrière l’éventail de plumes »
L’ÎLE DE KIJI Sonnet
Myriades d’ilots engloutis dans la brume,
L’Onega pour écrin, refuge intemporel,
La Carélie expose un décor irréel
Au seuil de la mer blanche où se fige l’écume.
Seulement accessible avant que se consume
Le soleil de l’été dans ses parfums de miel,
Véritable trésor au cœur de l’archipel
L’église de Kiji bannit toute amertume.
Chef d’œuvre sculptural façonné dans le bois
Sans qu’aucun clou n’altère un savoir d’autrefois,
Assemblage parfait de sapins et de tremble.
Ses dômes comme un cierge argenté sur l’azur
Offrent aux voyageurs la chaleur d’un « ensemble »
Quand bien même le temps n’aurait plus de futur.
Aline MUSCIANISI

PARTIR Sonnet lozérien
Quand devient insondable un bonheur enlisé
Par trop de servitude,
L’heure s’immobilise, amère lassitude,
Sur le cadran brisé.
Le paysage éclos du rêve tamisé
Comme un bel interlude,
S’impose brusquement, vitale certitude,
Au cœur désabusé.
Partir et s’émouvoir, prendre de l’altitude…
L’exil improvisé
Permet de ressentir la vie en plénitude.
Du désert reboisé,
La belle évasion déjouant l’habitude,
Perle un souffle apaisé.
Aline MUSCIANISI