blog consacré à la poésie et aux activités de la Société des poètes et artistes de France, délégation de Midi-Pyrénées
R. BARBAROU
ENTRE LES LIGNES (extraits)
QUESTION
Quand je me remémore
Les gens qui m’ont aimé,
Ceux qui m’aiment encore,
Ceux qui m’ont respecté ;
Ceux qui furent la cause
De mes plus grands chagrins,
Ceux qui se disposent
À me trahir demain ;
Ceux qui sont toujours là,
En toutes circonstances,
Qui partagent mes joies
Ainsi que mes souffrances ;
Ceux qui ont refusé
De me serrer la main,
Ceux qui m’ont tout donné
Quand je n’attendais rien ;
Je me demande alors
Comment est fait le monde,
D’où vient ce désaccord
Aux racines profondes.
Elle est là la question,
N’en déplaise à Shakespeare,
Pourquoi y a-t-il les bons
Et ceux qui veulent nuire ?
ÉVASION
Quand tu décideras de partir en voyage,
Choisis pour chaque jour un nouveau paysage.
Ne t’arrête jamais sur ce qui semble laid,
Mais ne t’attarde pas sur tout ce qui te plaît !
Ne compte pas ton temps, mais surtout n’en perds pas
Car une vie c’est court et ça ne suffit pas
À trouver le loisir de parcourir le monde,
Même depuis qu’on sait que notre terre est ronde.
N’attire pas vers toi ni l’amour ni la haine,
Ne réponds surtout pas à l’appel des sirènes.
Laisse la liberté te prendre par la main,
Elle te montrera le meilleur des chemins.
Regarde devant toi et jamais en arrière ;
Laisse tes souvenirs se couvrir de poussière,
Pour éviter ainsi que naissent des regrets
Et sentir, un matin, des chaînes à tes pieds.
Ne succombe jamais aux tentations perfides ;
Ne t’encombre de rien, garde tes poches vides.
Il te faudra lutter pour ce qui t’appartient,
Si tu es démuni, on ne te prendra rien.
ANNIVERSAIRE
J’ai fait, pour ton anniversaire,
Ce modeste petit quatrain.
Bien sûr, ce n’est pas du Molière,
Ni du Rousseau, ni du Machin.
Je l’a fait seul, sans dictionnaire
Et même sans mon grand frangin
Qui aurait mis, pour mieux te plaire,
Des mots qu’on ne comprend pas bien.
Je sais, je n’ai pas le talent
De maîtriser la poésie,
Mais plus tard, quand je serai grand,
Je t’en promets de plus jolies.
J’aurais aimé te couvrir d’or
Et te parer de beaux bijoux,
Mais pourquoi pas, sans plus d’effort,
T’offrir la lune ou le Pérou.
J’ai bien cassé ma tirelire,
Hélas, il n’en est rien sorti.
Je voulais pourtant te séduire,
Voilà ce que je t’ai écrit :
Je ne t’aimais pas davantage
Quand tu avais un an de moins.
L’amour ne dépend pas de l’âge,
Car lorsqu’on aime, on a quinze ans.
TOUT BIEN PESÉ, ou les raisins verts
Demain, je lui dirai sûrement que je l’aime,
Que chaque jour qui passe est un jour de perdu,
Perdu pour notre amour, pour elle et pour moi-même,
Mais propice à l’oubli et aux malentendus.
C’est aujourd’hui demain ; je lui ai dit bonjour.
Elle avait l’air pressé et n’a pas entendu.
Je crois qu’il me faudra attendre un autre jour.
Mais chaque jour qui passe est un jour de perdu.
Ce matin, par bonheur, je viens de la croiser,
Je lui ai fait un signe qu’elle n’a pas vu.
Je crois que je devrais la serrer de plus près.
Mais chaque jour qui passe est un jour de perdu.
Ce soir, c’est décidé, je pars à sa conquête.
Si ça ne marche pas je veux être pendu.
Ce soir on va danser, on va faire la fête,
Car chaque jour qui passe est un jour de perdu.
Je l’ai vue de plus près ; je la croyais plus belle,
Mais la beauté n’est pas la seule des vertus,
Car je me sens si bien lorsque je suis près d’elle
Et chaque jour qui passe est un jour de perdu.
Quand je lui ai souri elle a tourné la tête.
Je crois que j’ai bien fait d’avoir tant attendu.
Elle est aveugle et sourde et en plus elle est bête.
Tout bien pesé je crois que je n’ai rien perdu.
Car chaque jour qui passe est un jour de perdu.
(Poème mis en musique par Jacques Valade et par Léon Auriol)
RÈVERIE
Je sais qu’un jour viendra
Où nous serons heureux,
Toi et moi.
Alors nous partirons
Vers l’océan tout bleu,
Toi et moi.
Sur la plage, au soleil,
Nous aurons notre place.
Le soir nous dormirons
Dans les plus grands Palaces,
Oui, toi et moi.
Nous nous promènerons
Dans un fiacre tout blanc
Avec un cocher noir
Portant chapeau et gants.
Nous donnerons des sous
Aux mendiants de la côte
Et certains se battront
Pour nous ouvrir les portes.
Oui, nous la quitterons
Cette rue dégueulasse
Et ce ruisseau puant
Où tu trempes les pieds,
Quand nous l’aurons trouvé,
Le gros porte-monnaie.
LULU
Tu as bien fait, je crois, d’arrêter la musique,
Même si l’on en dit qu’elle adoucit les mœurs.
Tu as cassé ton luth, n’en sois pas nostalgique.
Va, ne regrette rien, ce n’est pas un malheur.
Je te connais fort bien, ma petite Lucienne,
C’est moi qui t’ai appris à jouer au cerceau.
Tu as su nous charmer, comme une magicienne,
Mais d’autres mélodies naîtront de tes pinceaux.
Symphonies, harmonies, poésies musicales
Se déclinent aussi en beauté picturale
Et ont le même don qui fait vibrer nos cœurs.
Tu maîtrises très bien les couleurs les plus fortes,
Tu donneras la vie à des natures mortes.
Crois-moi, nous aimons bien quand tu nous peins des fleurs.