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Par spaf mp le 24 Janvier 2013 à 17:50
R. BARBAROU
ENTRE LES LIGNES (extraits) et autres poèmes
PRINCESSE DE L’OMBRE
Te souviens-tu de moi,
O Princesse de l’ombre,
Toi dont le souvenir
Règne sur tous mes rêves ?
Te souviens-tu de moi,
O Reine de mes nuits,
Persécutrice ardente
Qui me poursuit sans trêve ?
Te souviens-tu de moi,
Qui n’étais que ton ombre,
Ombre parmi les ombres
De tes nombreux amants ?
Se pourrait-il encore,
Au fond de ta mémoire,
Que subsiste un remords,
Un souvenir charmant
Que n’ont pu effacer
Toutes tes aventures ?
Aventures nombreuses,
Nombreuses mais si brèves !
Pourquoi me harceler
Dans l’ombre de la nuit ?
Pourquoi t’évanouir
Lorsque la nuit s’achève ?
(Poème mis en musique par Jacques Valade)
QUE N’AI-JE POINT ÉCRIT…
Que n’ai-je point écrit sur de somptueux voyages,
Que n’ai-je point écrit sur les grands horizons.
Je n’ai jamais quitté ma petite maison,
Jamais quitté des yeux mon cher petit village.
Que n’ai-je point écrit sur les chevaux sauvages,
Sur les hordes d’Indiens, les troupeaux de bisons.
Je n’ai vu gambader, par-dessus les buissons,
Que Pat, mon vieux bâtard, en quête de plumage.
Que n’ai-je point écrit sur l’océan immense,
Sur les grands bateaux blancs que les vagues balancent,
Moi qui n’ai jamais vu de la mer que photos.
Que n’ai-je point écrit sur l’amour d’une blonde ;
La nature ne m’a jamais fait de cadeau :
Si je parle d’amour, je fais rire le monde.
(Sonnet mis en musique par Jacques Valade)
CONFESSION
S’il est vrai, à ce qu’on raconte,
Le jour du dernier jugement,
Que nous devrons rendre des comptes
Et déposer notre bilan,
Il faudra que je me prépare
À rencontrer le grand jury
Qui trouverait plutôt bizarre
Si je dis m’être bien conduit.
Si je n’ai rien à déclarer,
Personne ne voudra me croire.
Si j’en dis trop ou pas assez,
Je risque d’avoir des déboires.
Alors voilà ! J’ai fait le point
Et je dirai pour ma défense :
Je n’ai jamais été méchant.
Pardon pour toutes mes offenses
À ceux que j’aurais pu blesser,
Avec des mots que je regrette,
Qui ont dépassé ma pensée,
Que j’ai jetés aux oubliettes.
Deux fois pardon à ceux que j’ai
Frôlés avec ma bicyclette,
À tous ceux que j’ai fait tousser,
Souvent, avec mes cigarettes,
À tous ceux que j’ai réveillés
En jouant de la clarinette.
Et l’on pourrait continuer
Longtemps ainsi, jusqu’à perpète.
Mais il ne me vient plus d’idée.
Plus rien ne me revient en tête,
J’ai peut-être un peu oublié,
Ma mémoire n’est plus parfaite.
Ah si ! Pardon à Maïté
Que j’ai plaquée pour Marinette.
Il faut aussi que je pardonne
À tous ceux qui m’ont offensé :
Celui qui jouait du trombone
Le soir, quand j’attendais Morphée.
Je pardonne aussi à Yvonne
D’être partie avec Robert.
Bébert, je l’avais à la bonne,
Tant pis pour lui s’il a souffert.
Enfin, je vais bien vérifier
Si la liste est vraiment complète.
Je ne suis pas vraiment pressé,
Laissez-moi faire un peu la fête.
Avant d’appeler le curé,
Laissez-moi revoir Marinette.
Avant d’appeler le curé,
Laissez-moi revoir Maïté.
FRISSONS
J’aime me promener le soir, au cimetière,
Quand le silence est grand, à l’heure où il fait gris .
Tout au long des allées, je marche solitaire,
Rencontrant çà et là quelques chats rabougris.
Ici l’égalité, comme chez les vivants,
N’est pas visiblement la qualité première.
Les bons et les méchants voisinent très souvent
En ordre dispersé, de façon singulière.
Ceux qui ont tout donné du temps de leur vivant,
Qu’on a abandonnés sous quatre pieds de terre,
Et les plus grands voleurs dans un caveau tout blanc,
Protégés par un Christ sur une croix de pierre.
Ici, un grand tombeau de dorure et de marbre
Dont les noms sont gravés en majuscules d’or,
Colonnades ornées qui dominent les arbres
Et des dômes pointus comme un temple d’Angkor.
Et puis, tout près de là, cachée dans les broussailles,
Une vieille croix noire a pourri dans la vase.
La bordure de fer qui n’est plus que ferraille
Est tombée sur le sol, cassant le dernier vase.
Cependant une chose est ici unanime :
Ce silence profond qui ferait presque peur
Et qui, s’il est rompu par un rien qui s’anime,
Vous donne le frisson et vous pince le cœur.
Après avoir laissé sur la tombe des Miens
Quelques modestes fleurs, une brève prière,
Je m’en vais à pas lents, par le petit chemin
Qui sépare l’ancien du nouveau cimetière.
Et là-bas, tout au bout, je m’arrête souvent
Devant un mausolée de granit et de marbre.
Sur un socle, de bout, un grand squelette blanc
Interpelle les gens par son regard macabre.
De son doigt décharné, il désigne une plaque
Sur laquelle on peut lire en des termes précis
L’atroce vérité qu’on prend comme une claque
Et qui met les plus grands au niveau des petits :
« Passants ! Pourquoi détournez-vous la tête ?
Pourquoi froncez-vous les sourcils ?
Car j’ai été ce que vous êtes
Et vous serez ce que je suis !... »
RÉVOLTE
Elle aurait eu vingt ans cette année, notre Claire,
Mais voilà quatorze ans qu’elle est au cimetière.
Si je rencontre Dieu, il faudra qu’il me dise
Pourquoi l’avoir donnée et aussitôt reprise ?
Depuis, je cherche en vain la logique des cieux,
Qui voudrait qu’un enfant voie partir ses aïeux
Et non pas un vieillard conduire au cimetière
L’enfant de son enfant, qu’on vient de mettre en bière.
On critique souvent la justice des hommes,
Mais qu’el modèle ont-ils pour en faire une bonne ?
C’est à se demander qui fait les lois là-haut.
La terre est bien trop basse et le ciel bien trop haut.
Pourquoi tant de douleurs, de larmes et de misères ?
Jamais un seul écho à toutes nos prières !
C’est à se demander ce qu’il y a là-haut,
Car la terre est bien basse et le ciel bien trop haut…
COULEURS FEMMES
Quand j’ai su quel était, pour ce nouveau printemps,
Le sujet proposé pour en faire un poème,
J’ai beaucoup hésité, j’ai réfléchi longtemps ;
Et puis je me suis dit : essaie quand même.
Et aussitôt me vint le souvenir de Blanche,
Originaire du Gabon,
Mignonne avec ses yeux pervenche,
Sa peau bronzée, son air fripon.
Celle qui cultivait son beau jardin
Avec beaucoup de goût, disaient ses voisins,
Elle s’appelait Berthe
Et chacun s’accordait à dire
Qu’elle avait la main verte.
La patronne du cabaret
Qui s’appelait Maryse,
On disait qu’elle buvait,
Qu’elle était souvent grise.
Souvenez-vous de Bergère,
Celle qui gardait ses moutons,
Elle était battue par son père
Qui lui flanquait de beaux marrons !
Quand je l’ai rencontrée, un soir,
Elle avait bel et bien
Un œil au beurre noir.
Elle a rougi quand elle m’a vu.
Et puis souvenez-vous de Rose,
La fille à du Périer
Qui a vécu seulement ce que vivent les roses,
L’espace d’un matin.
Mais ne nous égarons pas sur des histoires tristes
Ou celles qui font rire mais plutôt jaune.
Il existe des cas beaucoup plus optimistes
Et de loin plus sérieux, même plus glorieux :
Quand je vois Jeanne sur son cheval perchée,
Tenant son drapeau blanc orné de fleurs de lys
Et Marianne, par-dessus les barricades,
Arborant du bleu, du blanc et du rouge,
Je pense alors que toutes,
Pour notre plaisir et notre bonheur,
Nous en auront fait voir
De toutes les couleurs.
LE MALHEUR DES UNS… (fable)
Par un jour de grand vent, une rose fanée
S’échappa du rosier dont elle ornait la tige
Et, n’étant plus maîtresse de sa destinée,
Elle se laisse aller au gré de ses voltiges.
Puis, lors d’une accalmie, elle revint sur terre
Et chuta lourdement sur une pâquerette.
Ah, non, je vous en prie ! Mais que venez-vous faire ?
S’insurge avec raison la petite fleurette.
Pourquoi m’avoir choisie pour freiner votre chute ?
Vous l’avez fait exprès ou bien vous êtes folle !
Me bousculer ainsi comme une grande brute !
Voyez dans quel état vous mettez ma corolle ;
- Arrête de crier car tu t’en remettras,
Dit la Reine des fleurs en faisant la grimace,
Et ne te plains pas trop. Qui te regrettera ?
Peut-être un escargot ou bien quelque limace.
Cette situation durera quelque temps,
Jusqu’au jour où le vent remportera la rose
Et puis l’éloignera définitivement.
La pâquerette alors respire et se repose.
Un beau jour deux enfants sont venus dans le pré.
L’un d’eux eut une idée en pensant à leur mère :
Si nous cueillions des fleurs pour en faire un bouquet,
Je crois bien que demain c’est son anniversaire.
- Mais tu n’y penses pas, lui répond son grand frère,
Qu’espères-tu trouver dans ce champ de malheur ?
Peut-être un pissenlit ou une primevère,
Quelques fleurs sans parfum et de triste couleur.
Poursuivant ses recherches, le jeune garçon
Continue son chemin et puis soudain s’arrête,
Immobile, en arrêt, comme en admiration,
Devinez devant quoi… ? Devant la pâquerette !
Celle dont on parlait au début de l’histoire.
Elle avait embelli et de son aventure
Elle sortait grandie, savourant sa victoire
Et exhibant son front fier et de belle allure.
Le garçon, à genoux, la cueille avec douceur.
Il la porte à son nez et appelle son frère :
-Que ne disais-tu pas de ce champ de malheur ?
Viens sentir cette fleur, c’est extraordinaire !
Un miracle en cadeau pour un anniversaire.
Qui aurait pu penser voir une telle chose ?
Qu’aurions-nous pu trouver de mieux pour notre mère ?
Incroyable mais vrai… la fleur sentait la rose !
En courant les enfants rentrent à la maison,
Emportant avec eux la précieuse trouvaille
Que leur mère reçut avec admiration ;
Elle cherche aussitôt un écrin à sa taille.
Sitôt dit sitôt fait, elle entra au salon :
Dans un vase uniflore en cristal de Bohême,
On lui trouva enfin sous des acclamations
La place réservée à tout ce que l’on aime.
Une fleur sans parfum et de triste couleur
Peut, avec le hasard, faire changer les choses,
Offrir un grand plaisir et même du bonheur,
Répandant alentour un doux parfum de rose.
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Par spaf mp le 24 Janvier 2013 à 16:21
R. BARBAROU
ENTRE LES LIGNES (extraits)
QUESTION
Quand je me remémore
Les gens qui m’ont aimé,
Ceux qui m’aiment encore,
Ceux qui m’ont respecté ;
Ceux qui furent la cause
De mes plus grands chagrins,
Ceux qui se disposent
À me trahir demain ;
Ceux qui sont toujours là,
En toutes circonstances,
Qui partagent mes joies
Ainsi que mes souffrances ;
Ceux qui ont refusé
De me serrer la main,
Ceux qui m’ont tout donné
Quand je n’attendais rien ;
Je me demande alors
Comment est fait le monde,
D’où vient ce désaccord
Aux racines profondes.
Elle est là la question,
N’en déplaise à Shakespeare,
Pourquoi y a-t-il les bons
Et ceux qui veulent nuire ?
ÉVASION
Quand tu décideras de partir en voyage,
Choisis pour chaque jour un nouveau paysage.
Ne t’arrête jamais sur ce qui semble laid,
Mais ne t’attarde pas sur tout ce qui te plaît !
Ne compte pas ton temps, mais surtout n’en perds pas
Car une vie c’est court et ça ne suffit pas
À trouver le loisir de parcourir le monde,
Même depuis qu’on sait que notre terre est ronde.
N’attire pas vers toi ni l’amour ni la haine,
Ne réponds surtout pas à l’appel des sirènes.
Laisse la liberté te prendre par la main,
Elle te montrera le meilleur des chemins.
Regarde devant toi et jamais en arrière ;
Laisse tes souvenirs se couvrir de poussière,
Pour éviter ainsi que naissent des regrets
Et sentir, un matin, des chaînes à tes pieds.
Ne succombe jamais aux tentations perfides ;
Ne t’encombre de rien, garde tes poches vides.
Il te faudra lutter pour ce qui t’appartient,
Si tu es démuni, on ne te prendra rien.
ANNIVERSAIRE
J’ai fait, pour ton anniversaire,
Ce modeste petit quatrain.
Bien sûr, ce n’est pas du Molière,
Ni du Rousseau, ni du Machin.
Je l’a fait seul, sans dictionnaire
Et même sans mon grand frangin
Qui aurait mis, pour mieux te plaire,
Des mots qu’on ne comprend pas bien.
Je sais, je n’ai pas le talent
De maîtriser la poésie,
Mais plus tard, quand je serai grand,
Je t’en promets de plus jolies.
J’aurais aimé te couvrir d’or
Et te parer de beaux bijoux,
Mais pourquoi pas, sans plus d’effort,
T’offrir la lune ou le Pérou.
J’ai bien cassé ma tirelire,
Hélas, il n’en est rien sorti.
Je voulais pourtant te séduire,
Voilà ce que je t’ai écrit :
Je ne t’aimais pas davantage
Quand tu avais un an de moins.
L’amour ne dépend pas de l’âge,
Car lorsqu’on aime, on a quinze ans.
TOUT BIEN PESÉ, ou les raisins verts
Demain, je lui dirai sûrement que je l’aime,
Que chaque jour qui passe est un jour de perdu,
Perdu pour notre amour, pour elle et pour moi-même,
Mais propice à l’oubli et aux malentendus.
C’est aujourd’hui demain ; je lui ai dit bonjour.
Elle avait l’air pressé et n’a pas entendu.
Je crois qu’il me faudra attendre un autre jour.
Mais chaque jour qui passe est un jour de perdu.
Ce matin, par bonheur, je viens de la croiser,
Je lui ai fait un signe qu’elle n’a pas vu.
Je crois que je devrais la serrer de plus près.
Mais chaque jour qui passe est un jour de perdu.
Ce soir, c’est décidé, je pars à sa conquête.
Si ça ne marche pas je veux être pendu.
Ce soir on va danser, on va faire la fête,
Car chaque jour qui passe est un jour de perdu.
Je l’ai vue de plus près ; je la croyais plus belle,
Mais la beauté n’est pas la seule des vertus,
Car je me sens si bien lorsque je suis près d’elle
Et chaque jour qui passe est un jour de perdu.
Quand je lui ai souri elle a tourné la tête.
Je crois que j’ai bien fait d’avoir tant attendu.
Elle est aveugle et sourde et en plus elle est bête.
Tout bien pesé je crois que je n’ai rien perdu.
Car chaque jour qui passe est un jour de perdu.
(Poème mis en musique par Jacques Valade et par Léon Auriol)
RÈVERIE
Je sais qu’un jour viendra
Où nous serons heureux,
Toi et moi.
Alors nous partirons
Vers l’océan tout bleu,
Toi et moi.
Sur la plage, au soleil,
Nous aurons notre place.
Le soir nous dormirons
Dans les plus grands Palaces,
Oui, toi et moi.
Nous nous promènerons
Dans un fiacre tout blanc
Avec un cocher noir
Portant chapeau et gants.
Nous donnerons des sous
Aux mendiants de la côte
Et certains se battront
Pour nous ouvrir les portes.
Oui, nous la quitterons
Cette rue dégueulasse
Et ce ruisseau puant
Où tu trempes les pieds,
Quand nous l’aurons trouvé,
Le gros porte-monnaie.
LULU
Tu as bien fait, je crois, d’arrêter la musique,
Même si l’on en dit qu’elle adoucit les mœurs.
Tu as cassé ton luth, n’en sois pas nostalgique.
Va, ne regrette rien, ce n’est pas un malheur.
Je te connais fort bien, ma petite Lucienne,
C’est moi qui t’ai appris à jouer au cerceau.
Tu as su nous charmer, comme une magicienne,
Mais d’autres mélodies naîtront de tes pinceaux.
Symphonies, harmonies, poésies musicales
Se déclinent aussi en beauté picturale
Et ont le même don qui fait vibrer nos cœurs.
Tu maîtrises très bien les couleurs les plus fortes,
Tu donneras la vie à des natures mortes.
Crois-moi, nous aimons bien quand tu nous peins des fleurs.
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Par spaf mp le 23 Janvier 2013 à 16:36
RAYMOND BARBAROU
Entre les lignes (extraits 2)
CAUCHEMAR
C’est bien toi que j’ai vue, riant au bras d’un homme,
Enveloppés d’un drap tous deux comme fantômes.
Mais oui c’est bien ta voix que j’entends murmurer,
Et puis ces cheveux-là… je ne puis me tromper !
Quand j’ai crié ton nom, comme un coup de fusil,
Vous avez pris l’envol au milieu de la nuit.
Vous avez tournoyé, légers comme l’éther,
Puis vous êtes posés sur le grand sapin vert.
J’ai voulu couper l’arbre, je n’avais que mes dents,
Je m’y suis acharné jusqu’à l’odeur du sang.
Alors vous avez ri à épuiser vos forces,
D’un rire d’ectoplasme avec l’accent d’Écosse.
J’entrepris aussitôt de gravir les étages,
Bousculant çà et là, avec force tapage,
De grands oiseaux de nuit, serpents et tarentules,
Me moquant en passant des grands travaux d’Hercule.
Arrivé au sommet, vous étiez repartis.
Vous voliez bien plus bas, à hauteur des taillis.
Si c’est vraiment l’amour qui vous donne des ailes,
Les miennes assurément doivent être très belles.
Aussitôt rassuré par ce discours simpliste,
Je plongeai, bras en croix, comme un parachutiste.
Hélas, rien ne s’ouvrit, ni plumes ni tissus,
Et me voilà piquant tout droit vers le talus.
Le choc fut très violent… sur le bois de mon lit.
Grâce à Dieu, je rêvais, tu l’avais bien compris.
Oui, mais sans doute pas le voisin du dessous,
Qui depuis lors m’évite et me prend pour un fou.
RÉVEIL
Toi qui m’as tout donné
Dans le plus grand silence,
Tu n’as jamais osé
Imposer ta présence.
Mon bonheur se lisait
Dans le fond de tes yeux,
Mais comme tu souffrais
Quand j’étais malheureux.
J’ai même osé parfois
Te faire ma complice
Et j’ai tout fait, je crois,
Pour que tu me haïsses.
Pour toi, je n’ai jamais
Écrit de belles choses,
Je n’ai jamais pensé
À t’offrir une rose.
Il a fallu qu’un jour
Une larme trahisse
À la fois ton amour
Et tous tes sacrifices,
Pour que mes yeux enfin
Découvrent le secret
D’un amour ô combien
Tristement résigné.
Tu as éveillé en moi
Une émotion profonde,
Alors n’hésitons pas,
Sans perdre une seconde,
Partons loin des remparts,
Prenons de la distance,
À compter de ce soir,
Pour nous tout recommence.
S.O.S. JÉSUS
Dans moins d’un quart de siècle, il y aura deux mille ans*
Que tu n’es pas venu sur notre petit monde.
Comment fais-tu là-haut pour mesurer le temps ?
Sans doute nos années sont pour toi des secondes.
Je suis bien convaincu que ta charge est très lourde
Et aussi qu’on t’attend dans d’autres univers ;
Mais montre-toi un jour, à Lisieux ou à Lourdes,
Sinon, nous les croyants, de quoi aurons-nous l’air ?
Ils sont déjà nombreux, ceux qui nient, ceux qui doutent,
Et aussi ceux qui rient en refusant de croire ;
Rencontre-les, un jour, au détour de leur route
Et puis raconte-leur ce que fut ton histoire.
Fais-leur toucher du doigt toutes tes cicatrices,
Montre-leur la tunique et les taches de sang ;
Donne-leur le détail de tous tes sacrifices,
Explique-leur pourquoi, en leur disant comment.
Si je te prie, Seigneur, de nous donner des preuves,
Ce n’est guère pour moi qu suis ton serviteur,
J’ai toujours traversé tes plus dures épreuves,
Mais eux, ne peux-tu pas les tirer par le cœur ?
Alors ils viendront tous assister à ma messe,
Et leurs chants rempliront d’échos notre maison
Et je les entendrai, tout à tour, en confesse,
Me confirmer, enfin, que j’avais bien raison.
*(1979)
ABANDON
L’avais-tu mérité
Cet amour si profond
Que je t’avais voué
Avec tant de passion ?
Tu n’as pas su garder
Ce bien le plus précieux
Que je t’avais donné
D’un élan merveilleux.
C’est vrai que j’avais tort
De t’aimer à ce point,
Je les entends encore,
Mes amis, mes parents.
Ils avaient donc raison,
Les gens qui me plaignaient,
Comme ils avaient raison,
Tous ceux qui se moquaient.
Poursuis donc ton chemin,
Le mien s’arrête là.
Je ne regrette rien
Et ne pleurerai pas.
Tu m’as fait trop souffrir
Et mes yeux sont taris ;
Je suis las de bâtir
Sur ce que tu détruis.
LOIN DE TOI
Quand je suis loin de toi, tout me paraît futile,
L’oiseau, la fleur, la mer, ces choses inutiles
Qui veulent tout de moi, le regard et l’esprit,
Comme si j’étais là pour rechercher l’oubli.
Le vol du goéland que l’on dit si gracieux
Ne parvient pas pourtant à retenir mes yeux.
Et que trouvait Daudet dans le chant des cigales ?
Où est la mélodie du vent dans ses rafales ?
Ce vent qui, paraît-il, nous chante tant de choses,
Celui qui, caressant les lauriers et les roses,
Inspira à la fois Chopin et George Sand,
Près de Valdemosa aux jardins luxuriants.
Même pas ce vent-là ne répète ton nom.
Pourtant je le lui ai dit de diverses façons ;
Je l’ai dit doucement, au gré de mes pensées,
Et puis brutalement je le lui ai crié.
Pas même un seul écho de celle que j’adore !
Rien que le bruit des flots que le vent évapore.
Quand je suis loin de toi, tout me paraît futile,
L’oiseau, la fleur, la mer, ces choses inutiles…
LE GOÉLAND
Mon bel oiseau tout blanc,
Va voir celle que j’aime,
Dis-lui que je l’attends,
Qu’il faut qu’elle revienne.
Dis-lui que j’ai erré
Très longtemps sur la plage,
Après que son voilier
Ait quitté le rivage.
Je passe tout mon temps
Les yeux vers l’horizon
À chercher dans le vent
La douceur de son nom.
Sans elle, aucun chemin
Ne mène à quelque chose,
Plus jamais mon jardin
N’a vu fleurir de rose.
J’ai vu combien de fois
S’échanger les saisons ?
Depuis combien de mois
Vacille ma raison ?
Dis-lui que dans mon cœur
S’entassent les nuages
Et que parfois j’ai peur
D’oublier son visage !
(Poème mis en musique par Jacques Valade)
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Par spaf mp le 23 Janvier 2013 à 15:34
ENTRE LES LIGNES (extraits)
(Aldéran 2004)
INCERTITUDE
J’ai déjà l’impression d’avoir beaucoup vécu,
Que je crois tout savoir et n’avoir rien perdu
Des leçons de la vie, de tout ce qui m’entoure ;
J’ai connu le bonheur, la peur et la bravoure.
J’ai subi les horreurs de la terrible guerre,
Comme les ont connues mon grand-père et mon père.
Plus rien ne me fait peur, ni l’honneur ni la honte ;
D’ailleurs qui a raison ? C’est celui qui raconte.
Je sais que je pourrais, sans effort surhumain,
Ôter la vie d’un homme en serrant de mes mains,
Et la donner aussi, avec moins de contrainte,
Au délicieux instant d’une bien douce étreinte.
Je suis sûr que l’amour est une belle chose,
Que ce tendre bouton, demain, deviendra rose.
Je sais que chaque nuit les astres brilleront
Et que la chrysalide deviendra papillon.
Je sais que pour certains la vie est bien amère,
Et que mourra ce soir le fragile éphémère.
Je sais que l’hirondelle, lorsqu’elle noua quittés,
Revient chaque printemps égayer nos cités.
Je sais qu’après la pluie… Mais au fait, à quoi bon
Savoir toutes ces choses et avoir le frisson,
En demandant au ciel de m’apporter la preuve
Que ton amour pour moi ne craint aucune épreuve ?
SOLITUDE
Te voilà disparue,
C’est partout le désert,
Même dans la cohue
Où parfois je me perds
En te cherchant partout,
Quand l’ennui me dévore,
Maudissant le mois d’août
Qui te reprend encore.
Plus rien autour de moi
N’attire mon regard,
Pas le moindre minois
Ni corsage gaillard.
Dans la rue, les passants
Marchent sans dire un mot
Comme des morts vivants
Échappés d’un tombeau.
Dans mes nuits quelquefois
J’aperçois ton fantôme
Ou bien je t’entrevois
Heureuse au bras d’un homme.
J’ai parfois l’impression
Dans cette solitude
Que de ma déraison
Je ressens le prélude.
ILLUSION
Pourquoi faut-il qu’un jour finisse un si doux rêve ?
Ce beau mais lourd passé qui s’accroche à mon cœur
Pèse de tout son poids sur ma vie qui s’achève
Et sonne tristement le glas de mon bonheur.
La fin de ton amour met un terme à ma vie ;
Car ma vie c’était toi et tu m’as tout repris.
L’abcès qui, dans mon cœur, grandit de jour en jour
Voit mourir avec moi ce bel et grand amour.
Je t’avais dit, c’est vrai, si un jour on se lasse,
Alors, bien franchement, il faudra l’avouer ;
Mais l’amour a grandi avec le temps qui passe,
Et après tant d’années, j’avais tout oublié.
Je n’aurais jamais cru qu’un jour cela arrive,
Surtout brutalement, comme ça s’est passé.
J’avais confiance en moi, cruelle erreur naïve,
Je nous croyais uni jusqu’à l’éternité.
Mais la réalité, au visage livide,
Dont le rictus hideux hante toute mes nuits,
Me laisse désarmé, le cœur et les mains vides
Et me punit encore en me laissant la vie.
SOUVENIR
Chacun a dans sa vie un lieu de préférence,
Que ne peut effacer l’usure des saisons ;
Il est déjà bien loin le temps de mon enfance,
Je revois pourtant bien ta petite maison.
Certains ont dans leur cœur une simple ruelle,
Un banc, un arbre, un parc ou un bosquet fleuri.
Pour moi c’est ta maison, mon souvenir fidèle,
Celui que ma mémoire n’a jamais trahi.
Il m’arrive parfois, au hasard de ma route,
De passer devant elle, même de m’arrêter ;
Et pendant ce temps-là, j’espère et je redoute
De voir à ta fenêtre s’entrouvrir les volets.
Je sais que si cela venait à se produire,
Ce ne serait plus toi que je verrais alors
M’accueillir comme avant, avec ton beau sourire,
Donnant à ton visage une auréole d’or.
Où es-tu, cher Amour de mes jeunes années,
Heureux et rayonnant de jeunesse et de joie ?
Nous qui avions juré d’unir nos destinées,
Où t’a mené la vie ? Te souviens-tu de moi ?
(Poème mis en musique par Jacques Valade)
RUPTURE
Lorsque tu m’as laissé, sur le quai de la gare,
Après m’avoir repris la clé de ta maison,
Quelques instants avant que ton train nous sépare,
Mon Dieu que ça fait mal de perdre la raison !
Sans même avoir connu la moindre des querelles,
Tu m’annonçais soudain qu’il fallait nous quitter ;
Je n’ai jamais senti de douleur plus cruelle,
Mon Dieu que ça fait mal de perdre l’être aimé !
Comme si dans mon cœur une lame glacée
Venait de décider du dernier de mes jours,
J’ai cru que de mon corps mon âme s’effaçait ;
Mon Dieu que ça fait mal de perdre son amour !
Je suis resté muet, sans voir et sans comprendre,
Sentant que, de ma vie, s’échappait le meilleur,
Quand on le voit mourir sans pouvoir le défendre,
Mon Dieu que ça fait mal de perdre le bonheur !
Et puis, subitement, plus rien ni plus personne ;
L’espace d’un instant et tout était fini.
J’ai aussitôt pensé, que Dieu me le pardonne,
Qu’il eût été bien doux de perdre alors la vie !
(Poème mis en musique par Jacques Valade)
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